Gagner de Bernard Tapie [leçon du groupe A #4]
Cette stratégie du héros guerrier, derrière laquelle certains y décèlent, de façon subtile et cachée, une conception de l’accomplissement de soi universelle, a marqué plusieurs idéologues et philosophes contemporains, dont l’un des moindres n’est autre que Bernard Tapie, cet homme exemplaire que vous connaissez tous, et dont il n’est pas besoin ici que je rappelle l’importance de ses idées pour le monde de la pensée française. Dans son ouvrage autobiographique Gagner, (livre fondamental et trop mal considéré, j’y reviendrai souvent) Bernard Tapie nous éclaire sur les effets directs que lui ont apporté les principes de Musashi :
Quand on parle aujourd’hui de la crise et que l’on glose à perte de vue sur ses origines, ses vicissitudes et ses conséquences, il me vient toujours un petit sourire au coin des lèvres : la crise, j’y suis né, j’ai grandi dedans. L’expansion, le fameux envol de la France, c’était pour les autres; moi, depuis mon petit trou de l’avenue Baudoin, je n’en avais même pas conscience. Et très vite il a fallu se battre, gagner de l’argent, et cette manière de se battre en vendant, c’est-à-dire en séduisant, en captant l’attention des autres par des paroles, des gestes, des sourires, en un mot par le charme, est quelque chose qui provoquait en moi, je l’avoue, une joie indicible, que j’ai toujours conservée.
J’ai lu récemment le fameux Traité des Cinq Anneaux, d’un Japonais du XVIe siècle, le Samouraï Myamoto Musachi. Né en 1584, il était l’un des guerriers les plus célèbres de son temps, l’un des plus redoutables aussi. A trente ans, il avait gagné plus de soixante tournois en tuant tous ses opposants. C’est cinq semaines seulement avant sa mort, en 1645, qu’il a achevé la rédaction de l’admirable Traité. Véritable guide de stratégie, il foisonne d’enseignements. Qu’il ait été présenté aux Etats-Unis comme une sorte de bible à l’usage des hommes d’affaires occidentaux désireux de traiter avec les Japonais n’a rien d’étonnant.