Le nihilisme (1)
Qu’est-ce donc que le nihilisme, les enfants ? Il y a quelques temps, quelqu’un de la classe est venu me chercher à la fin d’un cours pour me demander ce que cet étrange mot pouvait bien vouloir dire. La question, au demeurant fort concise, présente sans y paraître une complexité étonnante. Car sous le terme de nihilisme on entend beaucoup de synonymes et le mot semble signifier beaucoup d’idées différentes. Par nihilisme on peut entendre tout autant le comportement constant de négation, le refus, la révolte, la contestation du bien, du vrai, des canons de la beauté… Ou encore, il peut se résumer pour d’autres à la simple idée de la modernité, du scepticisme et du cynisme grecs, etc., etc.
La liste s’allonge encore si l’on écoute les commentateurs du mot au fil de l’histoire. Au XIXe siècle, par exemple, le nihilisme correspondait pour d’aucuns autant aux idées relativistes, égoïstes et individualistes ! On était nihiliste dès que l’on manifestait une propension trop grande pour l’argent ou la passion du matériel…
Plongeons-nous, par exemple, dans le très amusant dictionnaire des néologismes que le grand Louis Sébastien Mercier publia en 1801 et qui à l’entrée nihiliste ou rieniste écrivait : « qui ne croit en rien, qui ne s’intéresse à rien. » C’est fou comme cette définition vous correspond, mes mignons ! Regardez-vous, mes chéris, vous ne croyez pas dans les idées ni les efforts de M. Sarkozy, et cette obstination qui est la vôtre est réellement jugée comme regrettable pour un bon nombre de grandes personnes. Eh bien, je pourrais très bien dire de vous que vous n’êtes qu’une petite bande de tristes nihilistes, voyez-vous ? En d’autres mots, on l’aura compris, le mot nihilisme n’a pas véritablement de signification. Et comme le célèbre gros mot, on pourrait dire que l’on est toujours le nihiliste d’un autre. Mais c’est là une première réponse un peu facile, destinée au groupe A. Nous verrons, dans les prochaines leçons, si nous ne pourrons pas apporter à la question quelques autres nuances. A bientôt, mes chéris.