Du détournement (6) [leçon du groupe B #7]

Publié le par Mr Vandermeulen

 
 
 

 

Les pastiches de Proust

par GUY BELZANE


oups3.jpgLe 11 décembre 1907, l’ingénieur Lemoine est arrêté à Paris. Il est accusé d’avoir escroqué des financiers anglais en se faisant passer pour l’inventeur d’un procédé de fabrication de diamants par cristallisation de carbone porté à haute température.
La presse se fait largement l’écho de l’instruction, riche en péripéties. Finalement confondu, Lemoine quitte la France, puis revient. Il est arrêté une seconde fois en juillet 1909 et condamné à six ans de prison.
L’affaire donne à Marcel Proust, qui n’a encore publié que des articles dans des revues et des journaux, le prétexte d’une série de pastiches, comme des variations sur un thème, dont l’intérêt réside évidemment dans le style. Ce sont successivement Balzac, Flaubert, Sainte-Beuve, Henri de Régnier, les Goncourt, Jules Michelet, Émile Faguet, Ernest Renan, Saint-Simon, John Ruskin, Maurice Maeterlinck et Chateaubriand qui sont mis à contribution. Huit pastiches de l’affaire Lemoine paraissent dans Le Figaro entre février 1908 et mars 1909.

Toute sa vie, Proust s’est adonné à la pratique du pastiche, dont on trouve des traces dans À la recherche du temps perdu. Il s’en est souvent expliqué. Chez lui, le pastiche relève d’abord d’un intérêt pour la critique littéraire. Les textes du Contre Sainte-Beuve sont d’ailleurs à peu près contemporains des pastiches Lemoine. Ce sont deux formes d’une même activité. Mais il s’agit aussi, et peut-être plus profondément, d’une manière d’exorcisme, d’une catharsis personnelle. Proust, lecteur, est si sensible au style des écrivains qu’il a du mal à oublier l’air une fois la chanson terminée. Et l’activité de l’écrivain pourrait bien se ressentir de la passion du lecteur. Il s’agit donc de pasticher consciemment afin de ne pas imiter malgré soi.Proust-AirGuitar.jpg

Publié dans Leçons du groupe B

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