Des racines de l’écologie, Hæckel #5
« Mais qu’est-ce que c’est qui donc que ça , le monisme ? » entends-je au fond de la classe. Ecoutons attentivement ce que nous en dit M. Joseph Grasset : « Théoriquement et étymologiquement on devrait, avec les classiques, appeler monisme toute doctrine qui ramène les êtres à un même principe essentiel, que ce principe soit la matière ou l’esprit ; le monisme est alors la philosophie de l’unité ou plutôt de l’identité, tandis que le dualisme est la philosophie, de l’analogie. Avec cette définition, ajoute l’abbé Elie Blanc dans son Dictionnaire de philosophie, les philosophies de Schelling, de Hegel, de Spinoza sont ainsi des philosophies monistiques ; de même, toute autre philosophie panthéiste... Nous ne prenons pas le mot « monisme » dans ce sens. Avec la plupart des auteurs contemporains, nous appelons monisme toute doctrine philosophique d’après laquelle les lois de l’univers sont unes et identiques pour tout l’univers : monde inorganique, êtres vivants, hommes ; d’après laquelle, par suite, il n’y a qu’une science universelle, la biologie ne se distingue pas de la physico-chimie et l’énigme de l’univers est toute entière résolue par la conception uniforme et mécanistique du monde. »
Vous suivez toujours, les enfants ? Cela veut dire que la religion moniste peut donc être comprise comme une sorte de complément de la doctrine transformiste. A ceci près que la religion scientiste du Pr. Haeckel ne s’établissait absolument pas, comme on pourrait le croire et comme cela était avancé, sur un langage scientifique.
« Dans cette guerre intellectuelle qui agite tout ce qui pense dans l’humanité et qui prépare pour l’avenir une société vraiment humaine, nous dit M. Haeckel dans un ouvrage qu’il titra Anthropogénie, on voit, d’un côté, sous l’éclatante bannière de la science, l’affranchissement de l’esprit et la vérité, la raison et la civilisation, le développement et le progrès. Dans l’autre camp se rangent, sous l’étendard de la hiérarchie, la servitude intellectuelle et l’erreur, l’illogisme et la rudesse des mœurs, la superstition et la décadence.»
Si le monisme du Pr. Haeckel ne devint jamais une religion officielle, elle affaiblit de façon certaine les religions anciennes et contribua fortement à flétrir, « au nom des intérêts de la collectivité germanique, ce que les jeunes Allemands pouvaient avoir de vieille charité pour leur prochain d’autre sang ». Ainsi : « si les officiers prussiens de 1870 étaient chrétiens dans l’ensemble, ceux de 1914, à part quelques exceptions, ne le sont plus ».
Comme le dit encore très justement M. Dampierre : « à côté, mais plus encore peut-être que les historiens et les sociologues comme Treitschke, S. Exe, M. Haeckel peut se dire qu’il a mis sa marque à la culture allemande, car il n’y a qu’en Allemagne qu’on ne soit pas surpris de voir des soldats, comme le général de Bernhardi, parler de la guerre comme d’un phénomène biologique ! » (1).