Du détournement (3) [leçon du groupe B #4]
TRAVESTISSEMENT BURLESQUE ET POÈME HÉROÏ-COMIQUE
par GUY BELZANE
On le voit, le terme de parodie désigne, au XVIIe siècle, une pratique très précise et très restreinte. Il ne s’applique pas à deux genres qui, rétrospectivement, nous paraissent pourtant très proches de la parodie : le travestissement burlesque et le poème héroï-comique.
Le premier, qui eut son heure de gloire entre 1630 et 1650, consistait à reprendre l’argument, les actions et les personnages d’une œuvre sérieuse de l’Antiquité, généralement une épopée, comme l’Iliade, l’Odyssée ou l’Énéide, et à lui attribuer un style vulgaire, par dégradation non seulement du style proprement dit (passage de l’alexandrin à l’octosyllabe, abaissement du niveau de langue, etc.), mais également des détails de l’histoire, devenus soudain familiers, voire triviaux (anachronismes, motivations basses et préoccupations communes des héros, etc.). Le travestissement burlesque le plus connu est sans doute le Virgile travesti, de Paul Scarron (1648-1649). Si la mode s’est éteinte vers le milieu du siècle, le procédé n’a pas disparu. Y ressortissent, entre autres, les traductions en argot des textes canoniques, comme la Bible ou les Fables de La Fontaine, ou encore les réécritures des grandes tragédies de Corneille et Racine par Georges Fourest dans son Carnaval de chefs-d’œuvre (1909).